BOIS DE LUNE

Bois de lune, 1986
Installation (chêne, buis, iroko, feuilles d’argent, graphite, opalux, verre, porcelaine, aluminium, mercure remplacé ici par le plomb)
Achat 2020

L’installation Bois de lune combine :
- un volume vertical en verre au sein duquel se déploient 36 planches de l’Encyclopédie reproduites sur calque et superposées en trois couches ; sur cet élément vertical figure en transparence et par le sablage du verre un « lever de lune ».
- un volume horizontal avec six plateaux de chêne reformant la bille originelle, sur chacun de ces plateaux la figuration à la défonceuse d’outils destinés au travail du bois (haches, scies, rabots) tels que figurés sur les gravures de l’encyclopédie, et au creux du bois gravé, le dépôt d’une feuille d’argent, met en exergue la figuration des outils.
Entre les deux volumes, sont disposés un transformateur électrique et deux tubes fluorescents, une coupelle de porcelaine et deux kilos de mercure, une spatule en acier inoxydable, un pot en porcelaine titré « Bois de lune » contenant du terreau et dans lequel est planté un buis, une section de buis brut de coupe d’un côté et poli de l’autre.

« Bois de lune » est une « machine » agissant avant toute chose, ontologiquement même, en référence à l’œuvre matricielle de l’artiste franco-américain et néanmoins rouennais Marcel Duchamp et notamment au « Grand Verre », dit aussi « La mariée mise à nu par ses célibataires » (1915-1923).

L’œuvre de Guy Lemonnier est un opéra en trois actes qui enchaîne
Acte I : L’Alchimie (transformation du vil métal en or ou en argent, mais aussi mercure philosophique comme principe féminin générateur du monde).
Acte II : La Rationalité scientifique (l’esprit des Lumières et la connaissance à travers une approche rationnelle sujette à l’enregistrement et à la diffusion).
Acte III : L’Art contemporain (en mesure sans doute de concilier pensées mythique et scientifique ainsi que semble le revendiquer Guy Lemonnier à travers une démarche combinant rationalité et poésie).

« Bois de Lune » est une invitation poétique à un jeu sémantique, à une rêverie conceptuelle. Mise en abîme, suite de thèmes en situation dialogique, elle nous invite à l’expérience de la révolution, à en faire le « tour ». En ces phases astrales, nous percevons l’écho des résonances entre Nature et Culture, signifiant et signifié, matrice et objet produit, sujet et objet, travail et outil, masculin et féminin, vif et inerte, jour et nuit, Obscurantisme et Lumières, rationnel et irrationnel, sans que rien ne l’emporte, jamais.

Florence Calame-Levert
Conservateur en chef
Directrice des musées d'Evreux Portes de Normandie